“Pas de liberté de la Presse sans liberté de distribution”
Communiqué du 30 janvier 2012
Notre actualité ne lasse pas de nous surprendre. Chaque jour qui passe voit son lot de déceptions, avec la prise de décisions aux retentissements désastreux pour l’ensemble des éditeurs.
Pour exemple, revenons sur l’Assemblée du CSMP (Conseil Supérieur des Messageries de Presse) réunie le jeudi 22 décembre 2011 et qui a adopté les décisions soumises à son approbation.
La première, consiste à voter dans l’urgence, une mesure visant à élaborer un mécanisme de péréquation inter-coopératives. Ceci afin de repartir équitablement entre tous les éditeurs de journaux et de publications adhérant à des coopératives, les charges liées à la distribution de la presse quotidienne d’information politique et générale.
Pour justifier le bien fondé de sa démarche, le CSMP motive sa décision en confirmant :
« Les éditeurs (lesquels ???) ont exprimé le vœu que le Conseil supérieur se saisisse sans délai de la réflexion à mener sur les modalités de nature à assurer le bon fonctionnement et la pérennité du système collectif de distribution de la presse aujourd’hui menacés. Le Président a assuré qu’il ne saurait en être autrement et confirmé qu’il réunirait, dès le début de l’année 2012, les représentants des éditeurs ».
En vertu de quoi, l’ensemble des éditeurs de presse devrait-il financer le surcoût de distribution de la Presse Quotidienne Nationale ? Au nom de la solidarité et de l’intérêt général ? Alors qu’aucune mesure de régulation de la distribution (assortiment, plafonnement, mise à zéro) ne s’applique aux groupes de presse, éditeurs de presse quotidienne. Pire, ils ont la possibilité de pouvoir éditer des publications thématiques en concurrence directe avec les nôtres (vin, informatique, histoire, etc.) sans être concernés par ces mesures que nous devons tous supporter.
Nous appellerons cela de la solidarité sélective et partisane. Notre garant légal, le CSMP semble agir dans le seul intérêt de certains de ces groupes de presse – sans considérer celui des éditeurs dans leur ensemble – et se révèle, au travers de ses diverses décisions, incapable d’arbitrer des situations dans l’intérêt général.
La coopérative MLP a fait le choix de convoquer les sociétaires et de soumettre cette mesure à l’Assemblée Générale le mercredi 18 janvier 2012. Le résultat du vote est sans appel, sur 207 bulletins exprimés ou représentés 204 ont voté contre cette mesure.
A l’occasion de cette Assemblée, nous avons déposé une motion motivée par la demande de démission de M. Jean Louis Redon de son poste d’administrateur des MLP, (par ailleurs représentant de la FNPS, Fédération Nationale de la Presse Spécialisée, et membre du CSMP) qui a voté pour toutes les décisions prises par le CSMP. Il est pour nous inconcevable de prétendre défendre les intérêts des éditeurs au sein d’une messagerie, tout en votant ailleurs des décisions contraires aux intérêts de ces mêmes éditeurs.
Sur 72 bulletins de votes, 65 se sont exprimés pour la démission de M. Jean Louis Redon.
Une seconde décision du CSMP est peut-être passée inaperçue, malgré la mobilisation qu’elle a pu susciter depuis trois ans. Il s’agit de la mise en application de l’assortiment des titres servis aux points de vente. À ce sujet, une consultation publique avait été lancée le 05 décembre sur le site du CSMP et clôturée le 15 décembre 2011. Soit 10 jours de consultation, ce qui a eu pour conséquence la réponse de trois syndicats seulement (SAEP, SNDP (Syndicat des dépôts indépendants), l’UNDP (Syndicat des diffuseurs) et la contribution d’un éditeur Corinne Couté.
La dernière décision prise par le CSMP est le gel des transferts de titres d’une messagerie à une autre. Celle-ci a été retoquée par l’ARDP (Autorité de Régulation de la Distribution de la Presse), mais c’était sans compter sur l’acharnement du CSMP qui a lancé un nouvel avis de consultation publique ouvert du 23 janvier au 02 février 2012, soit un total de 10 jours.
L’objet de cette consultation porte sur la modulation de la durée du délai de préavis stipulée aux contrats de groupage et de distribution. La motivation de M. Jean Pierre Roger, Président du CSMP c’est de modifier la durée de préavis qui prévoit actuellement qu’un éditeur peut retirer la distribution d’un titre à la société coopérative de messageries dans laquelle il est sociétaire moyennant un délai de préavis de trois mois.
Pour étayer sa demande sur la mesure envisagée, M. Jean Pierre Roger a missionné M. Pascal Chauvin en tant qu’expert, donc à titre privé, pour remettre un rapport sur les propositions de la modification de la durée de préavis.
M. Pascal Chauvin est, jusqu’à nouvel ordre, Président de la Commission des Normes et Bonnes Pratiques Professionnelles au sein du CSMP. Il est également magistrat en tant que Président près de la Cour d’appel de Paris à la chambre civile.
On peut se poser la question de la légitimité d’un consultant désigné au sein du CSMP pour fournir à titre consultatif, mais référent, un avis sur une option dérogatoire à la loi, option décidée à titre univoque par un groupe d’éditeurs majoritairement représentés au sein de la même organisation professionnelle, pourtant censée faire respecter la loi pour toute la profession. Compte tenu de ses fonctions au sein du CSMP, on ne peut considérer M. Pascal Chauvin comme une autorité indépendante propre à apporter un éclairage impartial sur les problématiques évoquées, à moins d’accepter qu’il soit juge et parti.
En tout état de cause, la décision est simple, le Conseil Supérieur veut durcir la mesure et faire passer le préavis de 3 mois à 12 mois selon l’ancienneté, soit pour transférer des titres d’une messagerie à l’autre soit pour mettre fin en partie ou complètement au contrat de groupage et de distribution qui lie un éditeur à une société coopérative de messagerie.
Dans le cadre de la modification de la loi Bichet du 20 juillet 2011, l’article 18-6 3° prévoit que le Conseil Supérieur doit exécuter sa mission en définissant les conditions d’une distribution non exclusive. Mais la priorité du Conseil Supérieur, c’est de décider en urgence de rallonger le préavis avant que l’éditeur ne décide, trop rapidement, de mettre un terme à son contrat de distribution.
Les éditeurs que nous sommes ne sont pas sans pouvoir d’action contre de tels agissements. Une restriction ou une modification profonde du droit de retrait entraînerait de fait une modification des statuts de toutes les coopératives d’éditeurs, puisque de telles modifications seraient assimilées à une augmentation des engagements des associés adhérents de la coopérative et devraient être décidées à l’unanimité.
Chaque coopérative devrait convoquer une AGE (Assemblée Générale Extraordinaire) et à défaut les sociétaires en faire la demande en réunissant les 2/3 des adhérents pour soumettre à l’Assemblée les résolutions et voter l’approbation ou la désapprobation des décisions à l’unanimité.
Il est impossible que nous ne réagissions pas au népotisme de nos instances professionnelles, détournées de leur objet légal par des groupes de presse hégémoniques en leur sein, pour prendre, en dépit de l’esprit de la loi, des décisions anti commerciales et anti concurrentielles sans aucun respect de la liberté d’entreprendre, de la liberté d’expression, de la diversité de la pensée, et de sa libre diffusion.
Confraternellement vôtre,
Roland Le Néel