Courrier adressé à Mr Le Maire, ministre de l’Economie pour demander la création d’un fond d’indemnisation pour sauvegarder les entreprises indépendantes dans la perspective d’une liquidation de Presstalis.

Bruno LE MAIRE

Ministre de l’Economie et des Finances

139 Rue de Bercy

75572 Paris Cedex 12

 

Paris, le 8 janvier 2018

 

 

Monsieur le Ministre,

 

Les informations dont nous disposons actuellement ne permettent pas d’envisager une autre issue que la probable mise en règlement judiciaire de la société Presstalis à brève échéance.

 

En effet, une sortie par le haut de la procédure de conciliation en cours, qui implique de reconstituer les fonds propres de la SAS Presstalis pour un montant supérieur à 350 millions d’euros, paraît, selon toute vraisemblance, vouée à l’échec.

D’une part, parce le modèle sur lequel est basée son activité ne pourra résister à la baisse prolongée des ventes de la presse, et parce qu’un abandon sous la contrainte des règles actuelles du marché au profit d’une libéralisation de la chaîne logistique ne changerait pas cet état de fait.

D’autre part, parce que l’entreprise restera constamment à la merci d’un désistement de certains des plus gros éditeurs de presse, dont certains ont annoncé pour la circonstance le regroupement de leurs intérêts, vers d’autres modes de distribution qui leur conviendront davantage lorsque les alliances d’un jour auront vécu.

En plongeant l’ensemble de la filière dans la crise, grâce au coup de théâtre de l’ouverture d’une procédure de conciliation, alors que l’entreprise était manifestement déjà en cessation de paiements – comme en atteste en particulier le report d’échance des réglements aux éditeurs dits « premiers » pour un montant de 25 millions d’euros en novembre 2017 –, les administrateurs de Presstalis ont pris en otage l’ensemble des acteurs de la profession ainsi que les pouvoirs publics.
Dans ces conditions, des mesures d’aide directe ou de recapitalisation de Presstalis SAS, outre qu’elles ne seraient assorties d’aucune garantie d’une réorganisation de la filière permettant de préserver les centaines d’entreprises de presse et les dizaines de milliers d’emploi qu’elles représentent, pourraient être remises en cause juridiquement.

 

Presstalis reste une entreprise mal gouvernée, où les décisions coûteuses et l’improvisation irresponsable ont toujours succédé aux impasses stratégiques, une aberration dans le paysage économique français, et elle doit in fine en subir les conséquences.

 

Même si un consensus peu lucide voit actuellement dans sa sauvegarde immédiate une issue de secours pour la presse française, les éditeurs dans leur ensemble, et toute la filière, resteront dans les faits sous la menace permanente d’une défaillance de l’entreprise et du blocage des sommes dont elle est débitrice. Les mesures de gel des règlements des éditeurs imposées en décembre dernier ont d’ailleurs mis en grave péril de nombreuses entreprises de presse. Force est de constater que cette mesure pourrait n’être que le prélude à un sinistre plus dévastateur encore.

 

Nous vous demandons par la présente de prévoir dès à-présent un fonds d’indemnisation pour venir au secours des entreprises de presse, des dépositaires, des marchands de presse, qui verront leurs stocks de publications, leur soldes de règlement éditeurs, leur commissions, pour les agents de la vente, éventuellement ponctionnés, différés ou bloqués dès l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de Presstalis SAS. Face au passif de plus de 350 millions d’euros laissé par la liquidation de Presstalis, il serait nécessaire, afin d’assurer la survie de tous les acteurs indépendants de la filière, d’abonder le fonds d’indemnisation à hauteur de 100 millions d’euros.

 

Les éditeurs indépendants savent s’adapter à un marché sélectif par l’innovation et l’adaptation de leur offre de publications aux exigences de leurs lectorats, tout comme les marchands de presse savent représenter et valoriser cette offre auprès de leurs clients, et aucun d’entre eux ne demande d’aide directe de l’Etat. Ils n’auront toutefois pas les moyens de se refinancer si le flux de trésorerie de la filière devait s’interrompre ou servir à consolider sur leurs fonds propres une messagerie défaillante dont la situation est en réalité définitivement compromise.

 

L’Etat a souvent caractérisé, par le passé, la sauvegarde de Presstalis comme une condition du maintien de la filière de la presse dans notre pays. L’aggravation constante des déficits de cette entreprise, malgré l’abondement constant des aides de l’Etat, doit éclairer les pouvoirs publics sur le fait qu’il est impossible d’entrevoir une sauvegarde de la filière à partir des schémas que Presstalis impose ou veut imposer, dans une totale improvisation, hélas jamais nourrie de la réalité du marché et de ses acteurs véritables.

 

La page de Presstalis tournée, nos entreprises peuvent être le ferment d’un réorganisation réussie de la filière de distribution de la presse. Mais elles doivent faire l’objet de mesures de protection exceptionnelles, diligentes et décisives, dont le coût pour la collectivité sera très inférieur à une destruction massive du tissu d’entreprises qui matérialise la pluralité d’expression de la presse et la diversité culturelle du pays.

 

En vous remerciant de votre attention, nous restons à votre disposition pour évaluer les contours de l’intervention requise et les conditions de sa juste administration.

 

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos respectueuses salutations.

 

 

Philippe LOISON

Président du SAEP

 

 

 

 

Copie :

M. Le Président de la République

M. le Premier Ministre

Mme la Ministre de la Culture

M. le Ministre des l’Action Publique et des Comptes Publics

 

SAEP Bercy EF 08-01-18

 

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