La péréquation inter-coopératives pour le financement de la distribution de la presse quotidienne d’information politique et générale

Saint-Mandé, le 18 août 2012

Contribution du S.A.E.P sur la péréquation inter-coopératives pour le financement de la distribution de la presse quotidienne d’information politique et générale

Préambule

Les petits et moyens éditeurs de presse, pour la plupart acteurs dans le domaine de la presse magazine spécialisée à centre d’intérêt, ont été les adhérents primordiaux des Messageries Lyonnaises de Presse depuis leur création. Ils ont été de fait – en raison des commissions de base importantes et de coûts de distribution imposés n’ayant jamais fait l’objet de la moindre justification comptable -, les pourvoyeurs de l’essentiel des considérables moyens financiers que cette coopérative, jouant agressivement le rôle d’outsider vis-à-vis des NMPP (devenues Presstalis), a mis en œuvre ces dernières années pour investir financièrement, d’une part sur la constitution d’un réseau de dépositaires de niveau 2 (Alliance…) et d’autre part sur un réseau propre en franchise de diffuseurs de niveau 3 (Agora Presse).
Pour les groupes de presse plus importants représentés via leurs syndicats professionnels ou leurs représentants institutionnalisés au sein des organigrammes des NMPP et du CSMP, les MLP étaient au pire une nuisance négligeable du fait de sa faible envergure (moins de 20 % du marché) et au mieux une porte de sortie acceptable lorsque la situation explosive de Presstalis (ex-NMPP) ou l’aggravation de l’érosion du marché de la presse et des ses revenus induits (publicité), compromettraient directement la rentabilité de leurs entreprises.

Lorsque la crise de la presse a commencé à réduire fortement les revenus directs des grands groupes d’édition, l’outsider MLP, jusqu’alors honni, est devenu pour ces éditeurs un partenaire respectable auquel confier la distribution de leurs magazines, par unique souci d’économie budgétaire sur les coûts de distribution. MLP ne distribuait en effet au niveau 1 aucun titre de la presse quotidienne, et par le biais d’une meilleure gestion logistique, tout en étant affranchi des coûts historiques de structures déficitaires appartenant à Presstalis, pouvait proposer des barèmes plus rémunérateurs aux éditeurs. De grands groupes de presse ont débuté leur migration vers MLP, apportant tout à la fois leur chiffre d’affaires considérable (et la commission fixe de messagerie afférente) et leur influence stratégique auprès des instances dirigeantes de MLP.

Les petits et moyens éditeurs ont été habilement et progressivement marginalisés au sein de la coopérative dont ils sont pourtant les représentants les plus nombreux, par une oligarchie dirigeante s’étant arrogé une capacité de décision sans limites, au moyen de pouvoirs attribués par les éditeurs absents à chaque Assemblée Générale aux représentants du Conseil d’Administration (la proposition de représentation par le Président du CA figurant de manière apparemment anodine en premier item des cases à cocher du bulletin de réponse à la présence aux Assemblées générales), et à un système de cooptation au CA par les mêmes. Toutes les décisions prises par le Conseil d’Administration de MLP visant à investir sur les niveaux 2 et 3 du schéma de distribution de la presse n’ont de fait jamais été approuvés directement par les éditeurs adhérents de la coopérative, mais imposées de facto par leur Conseil d’Administration sans possibilité de recours, puisque le seuil de convocation d’une AG extraordinaire qui pourrait censurer l’activité dudit Conseil est statutairement difficile à atteindre.

Malgré des demandes réitérées à chaque Assemblée Générale de MLP par des éditeurs présents, aucun procès-verbal des débats, ni aucune communication sur les justificatifs comptables des coûts de distribution imposés par la coopérative n’ont été fournis aux adhérents de MLP ( Cf. notre courrier du 09 juillet 2012).

Du fait de leurs investissements à des postes stratégiques des niveaux 2 et 3 du réseau, selon des objectifs initialement divergents mais finalement complémentaires, les deux messageries de presse MLP et Presstalis disposent désormais d’une maîtrise quasi absolue du réseau de diffusion de la presse en ces points essentiels. Les organigrammes de direction étant désormais noyautés par les grands éditeurs dans les deux messageries de presse, ainsi que dans les instances supérieures du CSMP où se trouvent représentés les mêmes, les petits et moyens éditeurs se voient plus que jamais imposer des décisions dont ils réfutent le bien-fondé et l’intérêt stratégique.

Dans ces conditions, la contribution du SAEP à la consultation du CSMP sur l’Actualisation du Schéma Directeur du Réseau des Dépositaires de Presse ne peut avoir qu’une valeur symbolique. Celle-ci est destinée à démontrer que les éditeurs les plus nombreux, bien que leur importance économique soit sans commune mesure avec les mastodontes du secteur, ne sont pas dupes des manœuvres destinées à constituer un réseau de distribution unique, éventuellement bicéphale s’il est décidé de conserver à Presstalis une individualité juridique, découpant la France en régions que se partageront une ou deux messageries hégémoniques, sans qu’il leur soit nécessaire de justifier des barèmes de leurs prestations au plus grand nombre, puisqu’elles ne seront aux services que de quelques-uns.

Introduction

• À l’époque encore récente où le groupe Lagardère disposait, d’une part de la maîtrise opérationnelle du niveau 1 et d’autre part de 49 % des NMPP, personne ne s’interrogeait sur la possibilité que les très importants bénéfices engendrés par cette activité de distribution soient réinvestis dans l’amélioration structurelle du réseau.

• Le niveau 1 des messageries prélève directement aux éditeurs avant règlement du solde de la diffusion de leurs magazines des frais considérables sur le traitement des invendus, dont personne ne s’est jamais soucié de voir les montants collectés investis sur la modernisation et la rémunération des niveaux 2 et 3.

• Les aides directes à la presse représentent plusieurs dizaines de millions d’euros investis essentiellement au bénéfice de la presse quotidienne. Celle-ci ne s’est jamais préoccupée d’une intervention structurante sur un réseau de distribution dont les difficultés passées et actuelles sont majoritairement liées à son activité. De fait, les aides à la presse sont essentiellement constituées de subventions servant à l’équilibre comptable de quelques journaux de la presse quotidienne nationale pour plus de 50 % de son enveloppe.

• Les éditeurs supportent des commissions de messageries régaliennes, des coûts de distribution et frais annexes opaques sans aucune justification, et n’ont aucun pouvoir de contrôle sur les barèmes qui leur sont imposés par «leur» messagerie, ni aucun moyen concret d’en analyser la rationalité et l’efficacité.

• Systématiquement, les instances dirigeantes du réseau considèrent «normal» que les charges qu’il supporte soient mutualisées entre tous les éditeurs – qui sont de fait tenus pour responsables dans leur ensemble des difficultés du réseau. L’Union Nationale des Dépositaires de Presse s’est fait en permanence le porte-voix de ces instances dirigeantes pour désigner les petits et moyens éditeurs comme responsables de la «saturation» du réseau, et, en plus de faire voter diverses mesures de régulation pour la plupart inefficaces et pénalisantes pour l’activité commerciale des éditeurs, accréditer la thèse de leur responsabilité implicite dans les difficultés du réseau. Cette thèse qui permet aux grands groupes de presse et en particulier à la PQN de s’affranchir de leur responsabilité propre dans l’effondrement financier de Presstalis, est évidemment fausse. Mais elle a suffisamment imprégné les divers rapporteurs et experts appelés au chevet du malade, pour qu’ils recommandent, tour à tour et unanimement, que le traitement de cheval à appliquer à ce patient devait être à égalité entre tous ses membres. Déjà le CSMP a imposé par sa décision du 10 mai 2012 l’augmentation d’un point de prélèvement à tous les éditeurs.

• Les charges historiques qui pèsent sur Presstalis sont connues de tous et auraient du être réglées depuis des décennies. Si l’on retire de son bilan les pertes engendrées, on peut constater que l’activité des deux messageries dans leur ensemble est bénéficiaire, ce qui leur permettrait d’assumer seules sur leurs fonds propres la charge des prélèvements qu’elles s’arrangent pour imposer systématiquement aux seuls éditeurs via les décisions prises par le CSMP. Ceci leur permet de continuer à investir des dizaines de millions d’euros chaque année dans les niveaux 2 et 3 du réseau, et d’en proposer aujourd’hui, sous le prétexte de l’urgence à sauver l’opérateur historique, un partage pur et simple entre les deux acteurs de messagerie.

Contribution

La crise actuelle de la presse – et de son réseau de distribution – est pour partie née de l’absence de décisions opérationnelles antérieures à la crise économique de 2008 et à la concurrence croissante pour la presse en général et pour la presse d’information en particulier, d’autres sources d’informations que la presse imprimée (internet…).

Nous, petits et moyens éditeurs de presse, constatons que les messageries, ayant organisé le contrôle absolu de leur propre activité avec la bénédiction des grands groupes de la presse magazine et de la presse quotidienne, sont en mesure aujourd’hui de contrôler 100 % du niveau 2 au moyen d’une restructuration qui ne sera finalement axée que sur les opérations suivantes :

• La réduction des nombres de dépôts assurant un contrôle plus complet de chaque région de diffusion, sous prétexte d’une optimisation qui n’aborde jamais la vérité des coûts de transports, ceux-ci restant dans une complète opacité pour les éditeurs.

• Le partage de ces régions entre les deux messageries selon leurs intérêts logistiques, voire au bénéfice d’une seule messagerie de presse si Presstalis venait à déposer le bilan.

• L’obtention en échange de ce plan de restructuration d’aides financières de l’Etat qui ne profiteront pas à tous les éditeurs, mais serviront principalement aux messageries à financer les coûts induits sur le réseau par les éditeurs de la presse quotidienne, au détriment des petits et moyens éditeurs qui ne perçoivent aucune forme de subvention directe ou indirecte.

Nous ne remettons pas en cause la nécessité de réformer en profondeur le réseau de distribution de la presse, au niveau 2 comme au niveau 3. Mais il nous apparaît évident que les plans d’action proposés par les messageries – aboutissant dans les faits à une répartition des dépôts et leur mise au service du niveau 1 – ne peut apporter aux éditeurs une solution viable à la crise du secteur, d’autant que l’érosion des ventes se poursuit et compromet directement la survie des diffuseurs de presse au niveau 3.

Les grands groupes de la presse quotidienne et de la presse magazine manœuvrent actuellement pour s’approprier le réseau de diffusion de la presse, via une intégration verticale des niveaux 1 et 2 (et partiellement du niveau 3) aboutissant de fait à un monopole privé. Au-delà du laxisme des dirigeants, on peut constater que les difficultés accrues de Presstalis servent aujourd’hui idéalement le prétexte de cette intervention radicale, présentée comme l’unique planche de salut pour un réseau de diffusion de la presse condamné. Du fait de l’appropriation de toutes les instances dirigeantes par les groupes en question, c’est bien à une « privatisation » du réseau que l’on assiste. Divers éléments ne laissent pas douter qu’au terme de cette « restructuration » ne subsisteront que deux sociétés anonymes de distribution de la presse, dans une dualité de façade couvrant un partage logistique du réseau, et dont la propriété sera capitalistique, et non plus coopérative et égale entre tous les éditeurs. Les deux messageries y sont statutairement préparées, et les petits et moyens éditeurs ne pourront pas s’opposer à une telle mutation pour les raisons déjà évoquées.

Dans ces conditions, il est hors de propos que les éditeurs dans leur ensemble soient associés à ce détournement des fondements de la distribution de la presse, et contribuent à parité à donner le pouvoir à une oligarchie de décisionnaires intervenant sans contrôle pour leurs intérêts propres.

Si une restructuration du niveau 2 est à envisager, elle doit obéir à un schéma d’ensemble respectant la pluralité des éditeurs de presse, leur liberté d’intervention sur le marché, et rétablissant l’esprit égalitaire de la loi Bichet :

• La répartition des charges décidée par le CSMP à proportion égale, comme l’augmentation d’un point de barème imposée à tous les éditeurs par sa décision du 10 mai 2012, ainsi que toute autre décision afférente aux barèmes supportés par les éditeurs, devra s’accompagner en contrepartie d’une répartition des aides obtenues au bénéfice de tous les éditeurs au prorata de leur chiffre d’affaires.

• Les messageries coopératives ont pour vocation de mutualiser entre les éditeurs les outils de service leur permettant de distribuer leurs journaux et magazines dans le réseau, et d’en optimiser les flux logistiques et financiers. Elles disposent à ce titre d’un taux de prélèvement sous forme de commission, équivalent à celui d’autres sociétés de gestion de même type, suffisant à cette activité. Elles n’ont pas vocation à s’approprier le réseau au niveau 2, ni au niveau 3. Il est donc essentiel afin de respecter le principe d’égalité entre tous les éditeurs dans le respect de la loi, que les messageries de presse soient obligées de céder leurs participations et filiales de niveau 2 et 3 et d’en répartir le bénéfice aux éditeurs membres de chacune des coopératives. Ceci permettrait de sauver l’essentiel des éditeurs – et en particulier des petits et moyens éditeurs – dont l’activité en forte régression compromet directement la survie du réseau.

• La restructuration nécessaire du niveau 2 des dépositaires de presse doit être mise en œuvre par un organisme indépendant de tout contrôle par les messageries ou par un groupe d’éditeurs de presse via leur représentation dans ces messageries, sur le principe économique simple d’une rationalisation des coûts de transport au bénéfice de tous les éditeurs.

Au-delà de la nécessaire liquidation du passif de SPPS, de la restructuration des SAD et de l’optimisation des dépôts, une seule société de service détenue par la totalité des éditeurs de presse contrôlerait l’activité de l’ensemble du niveau 2, avec deux barèmes d’intervention, l’un pour la presse quotidienne, l’autre pour la presse magazine. Les charges et bénéfices seraient réinvestis dans la modernisation et l’amélioration du réseau, sans possibilité pour quiconque d’en tirer bénéfice.

1 Commentaire

  1. Roland Le Néel

    Bonjour,

    Réponse au commentaire en test 2

    Bonne journée,

Laisser un commentaire