Suite à la consultation publique du CSMP, nous avons déposer notre contribution sur l’assortiment
« Six ans que l’on débat sur la norme professionnelle en matière d’assortiment, six ans que bon nombre d’études et de tests ont démontré que la mise en place sur le point de vente n’a aucun effet sur l’amélioration de son chiffre d’affaires, tout comme le désengorgement n’apporte pas LA solution à la visibilité au mètre linéaire.
Depuis six ans, le paysage de l’activité de la presse a bien changé. La crise et les difficultés économiques des éditeurs ont eu raison de l’évolution des volumes des publications et provoqué des disparitions de titres.
Nous pensons que les mesures existantes, notamment celle des mises à zéro (GTI) et celle du plafonnement, sont suffisantes pour réguler un marché dans sa sur représentativité. Seulement, ces mesures sont mal ou peu appliquées pour plusieurs raisons, qu’elles soient d’ordre commercial en accord avec les messageries, ou bien techniques avec des outils ne permettant pas de verrouiller efficacement le système. Par ailleurs, les dérogations offertes pour détourner en toute légalité leur application, brouillent l’efficacité de ces mesures.
Alors, on décide d’entasser les mesures comme les couches d’un mille-feuille pour satisfaire une partie des éditeurs concernée par le bénéfice de ces applications et gagner des emplacements supplémentaires en première gorge du linéaire.
Il est certain que les petits et moyens éditeurs ont tout à perdre dans la mise en place de l’assortiment car la plupart des titres qu’ils représentent sont des publications à centre d’intérêt, qui ciblent un lectorat ayant un profil d’acheteur qualitatif basé sur des achats d’impulsion et par conséquent irréguliers.
Nous sommes dans un marché d’offre où il faut régler avant tout les problèmes de profondeur du linéaire (plafonnement) avant ceux de la largeur (assortiment) qui mèneront à la destruction de notre activité.
LES CONSÉQUENCES D’UNE TELLE MESURE
Si l’assortiment devient le nouveau mètre-étalon de la distribution de la presse en France, les dommages causés seront immédiats et surtout irréversibles. Les diffuseurs décideront arbitrairement quels titres le public peut ou non acheter, sans que celui-ci en ait même forcément conscience. Pire, on peut craindre que certains réseaux de diffusion appartenant à des éditeurs puissent être tentés dans ces conditions, de privilégier les magazines « maison » et de pousser leurs concurrents hors des linéaires. Dans une démocratie comme la nôtre, une telle évolution pose donc un réel problème en termes de pluralisme et de diversité : au nom de quoi des points de vente et de grands groupes industriels pourraient-ils demain décider ce que les citoyens de notre pays peuvent lire ou non ?
Le SAEP ne conteste pas ce principe d’assortiment, mais ses conditions d’application sont extrêmement néfastes pour l’avenir des éditeurs. Sous couvert de vouloir donner aux diffuseurs la possibilité de mieux ajuster leur offre, le SAEP craint en effet que se mettent insidieusement en place des pratiques de déréférencement issues du monde de la grande distribution, au profit exclusif des grands groupes d’édition, et ce, sans aucun garde-fou.
L’ASSORTIMENT AUTREMENT
En l’état actuel, la réflexion autour de la mise en place de l’assortiment doit être totalement remise à plat. Le CSMP doit enfin instaurer un dialogue transparent avec les éditeurs, afin de définir des critères de mise en place de l’assortiment opérant et réellement partagés par les éditeurs.
Pour relancer ce dialogue et préserver l’activité des petits et moyens éditeurs, le SAEP maintient de proposer aux éditeurs et au CSMP de retenir le critère de « titre vendeur ».
Par « titre vendeur », le SAEP considère :
« Toute publication régulière disposant de sa propre codification, laquelle sur un point de vente donné a vu son nombre total d’exemplaires vendus atteindre un nombre au moins égal à 33,33% (un tiers) du nombre de ses parutions (parutions avec suffixe H et S comprises) effectivement servies sur ce point de vente sur les 12 derniers mois glissants ».
CONSULTATION DES ÉDITEURS
Le Syndicat de l’Association des Editeurs de Presse a lancé en décembre 2010 une vaste consultation en ligne à destination des éditeurs pour les alerter des dangers de la réforme en cours d’adoption.
Cette consultation a été lancée sur la base d’un fichier qualifié de 600 éditeurs entre le 13 décembre 2010 et le 14 janvier 2011. Nous avons reçu 120 retours de formulaire toutes messageries confondues.
Résultats de la consultation en ligne lancée par le SAEP sur l’avenir de la distribution de la presse en France.
Résultats quantitatifs
1. Saviez-vous qu’une réforme de la distribution de la presse est en discussion au sein du Conseil Supérieur des Messageries de Presse, pour introduire le principe d’assortiment ?
a. Oui : 100%
b. Non : 0%
c. Ne se prononce pas : 0%
2. Si oui, comment en avez-vous été informé(e) ?
Cf. verbatim
3. Vous sentez-vous concerné par une telle réforme ?
a. Oui : 96%
b. Non : 4%
c. Ne se prononce pas : 0%
4. Si oui, pourquoi ?
Cf. verbatim
5. Estimeriez-vous normal que les éditeurs soient parties prenantes dans ce débat ?
- a. Oui : 96%
- b. Non : 4%
- c. Ne se prononce pas : 0%
6. Si oui, pour quelle(s) raison(s) ?
Cf. verbatim
7. Concernant cette norme d’assortiment, quelle serait selon vous, la modalité d’application la plus opérante :
a. permettre à tous les diffuseurs de supprimer de leurs linéaires jusqu’à 20% des titres proposés* (hors quotidiens et presse d’opinion), dans la limite de 3% de leur chiffre d’affaires* et ce, sans avoir à motiver davantage leur décision : 0%
b. Permettre à tout titre de se maintenir dans un point de vente, si celui-ci été vendu à un nombre total d’exemplaires équivalent à au moins 33,33% de ses parutions effectivement servies sur le point de vente considéré, sur les 12 mois glissants (c’est la notion de « titre vendeur » défendue par le SAEP) : 100%
* par période de 6 mois.
RÉACTIONS DES ÉDITEURS
Principaux verbatim
« Les quotas prévus sont discriminatoires envers les petits éditeurs ».
« Pour maintenir notre liberté de distribution ».
« J’ai été durant 7 ans responsable titres aux MLP et j’ai assisté à la mise en place des tests d’assortiment. Les résultats (…) ont montré clairement que les dépôts test perdaient des ventes par rapport aux dépôts miroirs ».
« C’est l’économie de mon entreprise qui est en jeu ».
« L’avenir de notre profession y est associé ».
« Les petits éditeurs sont considérés comme peu rentables dans une logique de marché pure ».
« Je suis un petit éditeur indépendant, qui devra appliquer ce que les puissants décident ».
« Une menace trop importante ».
« Pour la survie de la diversité mais avec la qualité ».
« C’est la survie des petits et moyens éditeurs ».
« On ne prend en compte que le point de vue des grosses maison d’édition qui ne sont pas dans la même logique que nous. Ce débat concerne tous les éditeurs de presse, tous ceux qui font que ce marché existe. C’est l’avenir de la presse et de la diffusion de l’information générale qui est remise en cause ».
« Je gère la distribution de 40 titres (…), ce qui veut dire que j’effectue des réglages diffuseurs tous les jours. Je constate la perte de ventes sur les 5 dépôts test. Certains des diffuseurs en assortiment ont des 100% de vente et n’hésitent pas à supprimer les parutions et il est impossible de les réinstaller. Si cette mesure est étendue aux 149 dépôts, ce sera une catastrophe pour la vente au numéro. Lors des rencontres avec les diffuseurs au début de cette mise en place, nous nous sommes aperçus que bon nombre (…) n’avaient pas connaissance de la plupart des titres rentables pour eux, ce qui veut dire que la suppression d’un titre dans un linéaire peut être totalement arbitraire ».
« Les NMPP ont voulu cette mesure pour supprimer des linéaires les petits et moyens éditeurs, or cette mesure va impacter tous les éditeurs ainsi que tous les diffuseurs. Les politiques ont validé cette mesure lors des états généraux de la presse, or ces personnes sont bien loin du quotidien, ils n’ont jamais vérifié concrètement ce qu’il se passe lors d’un réglage qui est soumis à l’assortiment : le plafonnement, les fermetures provisoires des points de ventes, les plafonnements des quantités d’un dépôt pour problèmes financiers, etc. J’estime que toutes les personnes concernées et notamment les éditeurs doivent participer à ce débat, car ce sont nos emplois qui sont en jeu, ainsi que les emplois de toute la profession »
« Un risque de disparition des kiosques ».
« Pour que les décisions ne soient pas seulement prises par les grands acteurs ».
« La mesure d’assortiment est une atteinte inacceptable à la libre diffusion de la presse, et une manœuvre déguisée pour remettre en cause la Loi Bichet et les fondements de la liberté de la presse en France ».
« Les éditeurs sont à l’origine de l’offre de presse, de toutes origines et de toutes opinions, et nous sommes les premiers concernés par toute mesure visant à restreindre la libre diffusion des journaux et des périodiques ».
« Une réforme qui aura « un impact sur les quantités livrables ».
NOTRE CONCLUSION
Si le CSMP et l’ARDP prennent la décision de mettre en place la nouvelle norme professionnelle sur l’assortiment, ils devront assumer la responsabilité de la disparition d’un pan complet de notre profession d’éditeurs de presse et des dégâts collatéraux sur l’industrie et les emplois qui en découlent, du fait de la mise en faillite de petites et très petites entreprises de presse qui emploient un grand nombre de salariés.
Les groupes de presse magazine les plus importants pourront s’arroger la totalité du marché de la presse et pourront imposer sans concurrence leurs marques déclinées à volonté sur des hors-séries ou des numéros spéciaux dont les thématiques sont habituellement traitées par les publications à centre d’intérêt qu’ils auront contribué à faire disparaître. »
