Courrier au Premier Ministre

LE PREMIER MINISTRE

HOTEL MATIGNON

57 RUE DE VARENNE

75700 PARIS SP 07

 

Paris, le 22 janvier 2018,

 

Monsieur le Premier Ministre,

Les responsables de l’administration de Presstalis, société de droit privé, se sont arrogés, sans aucune consultation des éditeurs-coopérateurs qui en sont propriétaires, le droit de se servir du ducroire – la valeur commerciale des publications qui sont confiées à la messagerie par les éditeurs pour leur distribution – pour tenter de pallier ses défauts de paiements courants, dont les imputations n’ont pas été révélées.

Il appartiendra aux pouvoirs publics de décider de poursuivre ou non, au nom de la collectivité, les responsables de la situation présente de la messagerie Presstalis, et d’identifier quels usages des fonds publics précédemment alloués ont été détournés de leurs objectifs. L’article 16 de la loi n°47-585 du 2 avril 1947 modifiée (dite loi Bichet) donne compétence à la cour des comptes pour examiner les comptes des messageries.

Pour l’heure, les éditeurs indépendants se voient directement privés d’une part importante des recettes de la vente de leurs publications, et risquent de perdre davantage de ce qui leur reste du par la messagerie, dans le cas d’une liquidation judiciaire de cette entité ou de prélèvements supplémentaires de leurs recettes destinés à combler ses déficits.

Cette perspective fait peser une menace de mort imminente sur de nombreux entreprises de presse, TPE et PME dont l’économie ne tient qu’à la régularité de leur flux de trésorerie. Une perte d’exploitation correspondant à un cinquième ou à un quart de leur chiffre d’affaires annuel, selon leur périodicité, leur serait immédiatement fatale.

Nous vous avons transmis pour information notre demande, rédigée à l’intention des ministres en charge du dossier dans votre gouvernement, de la création par l’Etat d’un fonds d’indemnisation de 100 millions d’euros. Ce chiffre symbolique est une approximation car nous ne disposons pas des données extensives des en-cours de réglements des éditeurs par Presstalis.

La régularité de parution de nos publications, au-delà de l’engagement moral qu’elle représente vis-à-vis de nos lecteurs, est la seule ressource de l’ensemble de la filière de la distribution de la presse. Elle garantit le maintien dans nos entreprises, dans la filière et chez nos fournisseurs de plusieurs dizaines de milliers d’emplois (éditeurs, journalistes, graphistes, imprimeurs, photograveurs, routeurs, papetiers, promoteurs, distributeurs, dépositaires, marchands de presse…).

Aujourd’hui l’Etat constitue notre seul recours pour éviter la faillite de nos entreprises, et par effet de dominos, celui de toute l’industrie de la presse.

Nous réitérons auprès de vous la demande de constitution, à titre exceptionnel, d’un fond de  soutien direct à nos entreprises.

En effet, sans une aide directe, la catastrophe industrielle prendra une ampleur nationale, dans un très court délai, puisque les salaires de nos collaborateurs doivent continuer à être versés dès la fin de ce mois, sans nouvelles ressources. Et il nous est impossible de négocier des facilités de trésorerie auprès des banques, en considération de la situation de Presstalis.

D’autre part, nombre d’éditeurs ont suspendu ou envisagent de suspendre leurs parutions, pour ne pas engager des dépenses nouvelles qu’ils risquent de ne jamais pouvoir amortir sur leurs ventes ; mais aussi pour des raisons juridiques, puisqu’ils risquent de se trouver en situation de créancier chirographaire si la liquidation judiciaire de Presstalis devait être prononcée. Ces suspensions privent la messagerie de nouvelles ressources et contribuent à amoindrir sa capacité de résilience.

Permettre aux éditeurs de continuer à créer de la valeur au bénéfice de la préservation de l’activité de la filière et de ses emplois doit être une priorité nationale.

Il n’appartient pas à la collectivité de continuer à verser des subsides dans un puits sans fond, et le sort de Presstalis est la conséquence de choix passés qui ne relèvent pas de votre gouvernement. Des actions en justice sont probables, tant l’apparition inopinée en novembre dernier d’un risque financier d’une telle envergure est suspecte, et du fait des manquements nombreux aux dispositions de la loi par les administrateurs de l’entreprise.

C’est pourquoi il nous apparaît essentiel que le fonds d’indemnisation que nous vous prions instamment de créer soit administré par des personnalités de confiance n’ayant pas le moindre rôle dans les structures administratives passées et présentes des messageries ni dans leurs instances de contrôle.

En vous remerciant de votre attention, nous nous tenons à votre disposition pour contribuer à préciser les contours de cette aide urgente, et nous vous prions, M. le Premier Ministre, de recevoir nos respectueuses salutations.

 

Philippe LOISON

Président du SAEP

 

Courrier PM 22-01-18

 

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