Sur l’assortiment 20-10-10

Contribution du SAEP sur l’assortiment

 

Position du SAEP (Syndicat de l’Association des Editeurs de Presse) sur la méthode d’assortiment

La méthode d’assortiment actuelle, défendue par Presstalis et l’UNDP, repose sur un palmarès au chiffre d’affaires. Elle a pour but d’exclure les titres à faible diffusion des points de vente.
Cette méthode a été présentée par ses défenseurs comme une solution pour désengorger les linéaires et  satisfaire un ressenti négatif des diffuseurs face à leurs conditions de travail.
Deux ans après le début de sa mise en œuvre, le SAEP estime que cette méthode d’assortiment « au chiffre d’affaires » n’atteint  aucun de ces buts et qu’il est même dangereux pour l’équilibre de la presse française dans son ensemble.

Notons qu’à ce jour, l’impact de cette méthode d’assortiment n’est pas étudié de manière satisfaisante, aucun rapport n’a été produit par son comité de suivi. Les rares chiffres issus de tests proviennent des deux messageries, et présentent la plupart du temps des interprétations contradictoires. Ils revêtent donc un caractère militant jetant un doute sur leur objectivité. Une seule étude inter-messagerie datant de septembre 2008 sur une zone de test ultra-restreinte permet aux acteurs de se faire une opinion.

Un besoin de désengorgement des linéaires inadapté

 

– L’assortiment au chiffre d’affaires (que nous appellerons « assortiment CA ») a  été élaboré pour désengorger les linéaires, avant que la crise fasse des ravages. Depuis, le nombre de titres a diminué. D’ailleurs, il apparaît d’après un document MLP présenté en septembre 2010, qu’une majorité de points de vente se trouve maintenant en dessous de 12 titres par mètre linéaire, un nombre pris comme référence acceptable lors de l’élaboration de cette méthode d’assortiment par le CSMP. Dans la pratique, certains diffuseurs commencent même à témoigner de leur inquiétude face à des linéaires vides.
– D’après une étude des MLP présentée en janvier 2009, le nombre d’exemplaires manipulés par les diffuseurs dans les zones de test d’assortiment aurait même augmenté de 9,7%. Il semble que l’engorgement des linéaires ne soit pas uniquement dû aux quelques titres à faible diffusion qui paraissent peu vendeurs au détaillant car noyés dans la masse (mais qui le sont, puisqu’en cas de non vente, les règles GTI les auraient exclus du point de vente). L’encombrement est également dû aux titres à forte diffusion qui occupent un espace important avec des tirages encombrants ainsi que des éditions multiples par parution dont les invendus occasionnent la manipulation  d’une bien plus lourde masse de papier.
– On note aussi que faire disparaitre volontairement des titres de presse dans certains linéaires laisse le champ libre pour d’autres produits non presse, une place définitivement perdue pour le secteur.  La méthode d’assortiment actuelle prévoyant jusqu’à la suppression de 20% des titres et 3% du CA par an peut conduire très rapidement un point de vente à devenir « complémentaire ».

– La mesure de plafonnement des quantités semble plus adaptée pour régler la question du trop d’invendus.

Sous couvert de désengorger les linéaires, l’assortiment affaiblit la largeur de l’offre presse dans une période peu propice à cette évolution.

Le ressenti des diffuseurs non comblé


– Les diffuseurs de leur côté souhaitent davantage contrôler la marchandise qu’ils mettent en vente, dans cette période d’incertitude générale.  Mais dans la pratique, l’assortiment « CA » ne remplit pas ce rôle. Plutôt que de donner la possibilité au diffuseur d’agir ponctuellement sur certains titres, la messagerie impose un seuil de chiffre d’affaires et fait disparaître les titres en dessous. Le diffuseur doit à l’inverse agir pour réintroduire ces titres. Et si on sait que quelques diffuseurs maitrisent parfaitement bien les pratiques des messageries, parmi les 28 000 points de vente que comptent la France, beaucoup les subissent sans les comprendre. Les dépositaires témoignent qu’environ 60% des diffuseurs ne répondent pas lorsqu’ils sont sollicités pour des questions de réglages. La plupart sont surchargés de travail et laissent faire. L’effet psychologique risque fort d’être inverse chez les diffuseurs qui auront la sensation qu’une nouvelle fois la messagerie impose sa loi.

–          Ensuite, l’assortiment CA n’est pas accompagné des outils informatiques adaptés. Les diffuseurs ne peuvent pas dans la pratique connaitre le détail de leur offre en magasin sans un outil informatique puissant, il suffit de demander un titre au détaillant pour s’en rendre compte. Or, il n’existe toujours pas d’outil leur permettant de gérer objectivement les ventes, contrairement aux éditeurs qui possèdent l’historique de chaque vente et servi dans chaque magasin, ainsi que des éléments de marché.

–          il apparait que les diffuseurs vivent mal leurs conditions actuelles et on les comprend. Mais plus que la présence de titres dans les linéaires, les diffuseurs font face à des difficultés financières récurrentes qui tendent encore à s’accentuer ces derniers mois. D’après les rares résultats de tests d’assortiment CA connus, datant de septembre 2008, les évolutions de chiffre d’affaires pour le point de vente assorti sont de +1% à -1% selon qu’ils sont analysés par les MLP ou PRESSTALIS, un chiffre ridiculement faible comparé aux baisses de chiffre d’affaires de ces dernières années.

L’assortiment n’a pas d’effet sur le chiffre d’affaires des diffuseurs, ni sur la perception de leurs conditions de travail

 

Une pratique à haut risque
– À ce jour, le manque d’études sur l’impact de l’assortiment rend son application risquée. Il semble que, comme la relève facultative mise en place en 2004 puis suspendue, cette mesure ait été élaborée sans en mesurer les conséquences au préalable. Or, dans la tension actuelle du marché de la presse au numéro, les errements que nous avons connus en 2004 pourraient bien être inutilement fatals à de nombreux éditeurs et points de vente.

– Si elle est généralisée, la mesure d’assortiment CA aura un impact sur certains petits éditeurs dont la disparition est certaine, entrainant avec elle un appauvrissement de l’offre presse et des flux financiers du secteur. Les magazines spécialisés représentent environ 20% des flux financiers de la presse vendue au numéro actuellement. Déstabiliser ce pan de la profession pourrait déséquilibrer le secteur tout entier ainsi que les MLP, messagerie dont le profil des éditeurs se concentre sur les titres à faible tirage. Le rôle du CSMP et de ses recommandations doivent aller dans le sens de la sauvegarde d’une messagerie face à l’autre et non favoriser la disparition de l’une au profit de l’autre.

– Le SAEP estime que si dans un premier temps, les titres à fort tirage bénéficieront de cette mesure pour améliorer leur visibilité et leurs ventes à court terme, à long terme, la disparition des titres de niche priveront les points de vente d’une partie de leurs visiteurs et clients potentiels. La baisse de vente généralisée de la presse papier risque de s’en trouver encore accentuée pour l’ensemble des magazines restant en vente.

– L’évolution actuelle de la typologie des points de vente montre que les linéaires intégrés à des grandes ou moyennes surfaces sont en fort développement. Sans parler du bien fondé de cette évolution, le fonctionnement de ce type de commerce présage que l’assortiment CA d’aujourd’hui, s’il est appliqué, se transformera en référencement de demain. La possibilité pour les grandes surfaces de choisir les magazines qu’elles souhaitent vendre semble risquée. La presse, gros titres compris, aura alors à son tour à faire face  à la pression de la grande distribution, avec ses pratiques souvent intenables pour les fournisseurs, s’ils veulent continuer à apparaitre dans les linéaires.

– Cette méthode d’assortiment résulte d’un antagonisme récurrent au sein de la distribution de la presse en France, utilisée conjointement par les gros éditeurs estimant que les petits éditeurs pèsent sur les coûts de distribution et encombrent « leurs » linéaires et par les petits éditeurs estimant à l’inverse enrichir l’offre des points de vente tout en subissant les représailles des plus forts. Les présidents des coopératives (avant réforme) et membres du conseil de gérance de Presstalis appartiennent tous à la première catégorie d’éditeurs. Leur hypothèse d’encombrement des linéaires par les titres spécialisés est distillée depuis de nombreuses années lors de chaque AG Presstalis ou intervention publique auprès des acteurs de la vente au numéro.  Dans la réalité, le marché de la presse fonctionne dans sa pluralité et nous ne pourrons survivre les uns sans les autres. Les magazines spécialisés  amortissent l’outil des messageries, réalisent 20% du chiffre d’affaires et amènent dans les points de vente des clients qui n’y entreraient pas dans d’autres circonstances. De leur côté, les gros tirages réalisent le chiffre d’affaires nécessaire à une distribution de niveau industriel.  Sans compter que l’existence de petits éditeurs garantit la pluralité et l’indépendance de la presse.
La communication visant à stigmatiser une partie de la profession, la rendant responsable de tous les mots, doit cesser pour se transformer en une réelle volonté d’améliorer et de rationaliser la distribution de la presse en France.

Le but d’une bonne pratique professionnelle étant d’optimiser la distribution de la presse française dans l’intérêt général, et non de favoriser certains intérêts particuliers, il nous apparait dangereux pour la pérennité du secteur tout entier d’appliquer la méthode d’assortiment au chiffre d’affaires.

Optimiser les ventes dans l’intérêt général

–          Une méthode visant à optimiser les ventes de chacun nous apparait en revanche souhaitable. Il est de l’intérêt général, et des éditeurs en premier lieu mais aussi des diffuseurs, de diminuer leurs invendus.

–          Le développement d’outil informatique permettant le réassortiment en temps réel nous parait une bonne piste

–           Il apparait également profitable pour tous que le système informatique évolue vers une mutualisation totale dans un GIE pour réduire les coûts de développement, le manque de finesse de réglage au point de vente dû aux complications de compatibilité des systèmes ainsi que la dilapidation de valeurs en frais de justice.

–          En attendant que ces évolutions techniques soient prises en compte et appliquées par les décisionnaires (Conseil d’Administration des messageries et CSMP), dans une volonté réelle de progrès, la méthode d’assortiment du « titre vendeur » proposée par les MLP lors de son AG de septembre 2010 nous paraît une bonne piste à suivre. Elle revient à un durcissement des règles de mise à zéro. Permettre à tous les titres vendeurs de se maintenir en vente est une bonne chose, en estimant qu’un titre est vendeur pour toute publication régulière qui sur un point de vente a été vendue à un nombre total d’exemplaires équivalent à un nombre au moins égal  à 33,33 % de ses parutions effectivement servies sur ce point de vente sur les 12 mois glissants. . Nous pensons qu’il faut en revanche absolument revoir le traitement des trimestriels dans le calcul. Les trimestriels sont trop défavorisés dans cette méthode car leur taux de vente doit atteindre, par le jeu de l’arrondi, la moitié de leur parution contre un tiers pour les autres.

–          Rappelons encore une fois que le plafonnement, permet par ailleurs de limiter les nombres d’exemplaires mis en place.

–          La méthode d’assortiment du «  titre vendeur » devrait intégrer dans son champ d’action les numéros spéciaux dépendant de titres de magazines d’information générale et politique, car ils sont dans leurs thématiques identiques à des magazines spécialisés.

–          Par ailleurs, les règles de réintroduction des titres sortis suite à l’assortiment du « titre vendeur » doivent être précisées, car l’évolution du marché de la vente au numéro fait partie de ces particularités et la recherche de potentiel reste indispensable.

–          Les risques de la méthode du « titre vendeur » semblent inférieurs à ceux de la méthode du « chiffre d’affaires », car les règles de mise à zéro sont bien maitrisées et connues à ce jour. La largeur d’offre sera conservée. Le chiffre d’affaires des points de vente ne devrait pas en pâtir.

–          Cela permettra d’aller en douceur vers une régulation progressive et concomitante pour tous les titres vers une meilleure exposition pour une meilleure visibilité.

–          Le SAEP souhaite bien évidemment que les effets de la méthode d’assortiment proposée par les MLP (dites du « titre vendeur ») restent en observation pour en valider en permanence le bien-fondé en cas de mise en application.

Le secteur de la presse papier et sa distribution connaissent des moments difficiles, et il faut prendre des mesures, mais encore faut-il prendre les bonnes.

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