Assortiment des titres servis aux supérettes

Paris, le 1er décembre 2016

Contribution du S.A.E.P sur l’assortiment des titres servis aux supérettes situées dans les grandes métropoles – Rémunération des supérettes situées dans les grandes métropoles et des diffuseurs de presse associés

Préambule

Le CSMP a lancé le 28 novembre 2016 conformément à l’Article 18-7 de la loi du 2 avril 1947 une consultation publique qui ne peut que poser la question de l’exercice démocratique de l’information des éditeurs dans le cadre de cette institution.
En effet dans son exposé des motifs, le CSMP indique que, saisi d’une proposition émanant du Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), il a réuni un groupe de travail à huit reprises entre le 13 juin et 7 novembre 2016. Visiblement ce groupe de travail n’a pas souhaité s’ouvrir aux avis extérieurs avant que ne soient soumises à consultation ce qui s’apparente à des décisions déjà prises.

En particulier, le SAEP n’a jamais été consulté en tant que tel, et l’on comprendra pourquoi dans les termes de notre contribution. Il nous revient, une fois de plus, de jouer le rôle des empêcheurs de détricoter en silence et sans vergogne le contenu de la loi Bichet et d’en revenir à ses fondamentaux.

Nous souhaitons rappeler dans ce préambule que le SAEP, Syndicat de l’Association des Editeurs de Presse, est né en 2010 d’un collectif d’éditeurs indépendants pour défendre les intérêts des petits et moyens éditeurs.
Nous sommes environ 1 000 éditeurs en France à publier des journaux et publications périodiques représentant environ 5 000 publications dans le cadre de la loi du 2 avril 1947 mise à jour au 20 juillet 2011, dite loi Bichet.

La composition du CSMP pérennise un contrôle de fait par les grands éditeurs et groupes de médias sur la distribution de la presse. Ainsi le CSMP est constitué de 9 membres éditeurs : 2 représentants de la Presse quotidienne nationale (13 journaux), de 2 représentants de la presse quotidienne régionale (36 journaux), de 4 représentants du Syndicat des Editeurs de la Presse Magazine (environ 500 titres), et de 1 représentant de la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (environ 1300 titres).

Soit environ 3 000 titres qui ne sont pas représentés au CSMP.

Le SAEP est le seul syndicat d’éditeurs indépendants à s’opposer aux décisions qui semblent contraires à l’esprit de la loi de 1947 et aux intérêts directes des moyennes, petites et très petites entreprises de presse. Avec quelques centaines de titres, nous prenons position pour ces quelques 3 000 publications qui sont totalement ignorées lors des décisions prises par le CSMP.

Plusieurs dizaines de milliers d’emplois dépendent directement de ces décisions et de trop nombreuses entreprises de presse ont déjà du mettre la clé sous la porte, avec tout leur corollaire de défaillance de sociétés qui en dépendent, photograveurs, imprimeries…

Certains aiment présenter le SAEP comme une bande d’excités, reléguant leur action à un genre d’animation distrayante n’empêchant aucune décision de se prendre entre soi. Pourtant, nous avons régulièrement apporté le seul éclairage lucide et cohérent sur les conséquences des décisions prises par les messageries ou par le Conseil supérieur.

Du plafonnement, nous avons dit qu’il serait préjudiciable au volume d’affaires et qu’il serait inefficace. Qu’on nous démontre le contraire.

De l’assortiment, nous avons prédit qu’il préfigurait le référencement des titres au niveau des points de vente. Bien qu’elle soit totalement contraire à la loi, la décision semble déjà prise par une instance non représentative de la profession dans son ensemble pour proposer à des supérettes de grandes métropoles une sélection restreinte de journaux et magazines.

De la péréquation, nous avons déclaré qu’elle était un moyen pervers et inique de prélever dans les comptes des éditeurs indépendants distribués par la messagerie MLP de quoi renflouer la messagerie Presstalis.

En tant qu’éditeurs, nous finançons directement le CSMP par un prélèvement de 0,20 % sur notre chiffre d’affaires, et il apparaît absolument incroyable que cet organisme tienne dans un mépris aussi indécent les avis que nous avons à exprimer.

Nous ne sommes pas des opposants de façade, nous ne sommes pas des nihilistes. Nous refusons que soient imposées des réglementations liberticides pour la presse et sa libre diffusion. Cette liberté de la presse qui fut le ciment de la démocratie, reste aujourd’hui, au travers des magazines et des publications à centre d’intérêt, l’expression de la diversité de la société et consolide le lien qu’elle opère entre les citoyens et entre les générations.
L’amoindrir, c’est faire le jeu d’une uniformisation commerciale au détriment de la diversité sociale et culturelle.

La loi Bichet, malgré les coups qui lui sont portés, reste garante de cette diversité, aussi essentielle pour le présent que pour l’avenir de la société française. Notre contribution tient compte de tous les éléments positifs qu’apportent les améliorations enregistrés par la restructuration de Presstalis, par le décroisement des flux, par l’augmentation de la rémunération des diffuseurs. Mais le projet « supérettes » comme nous le résumerons ici est un nouveau coup porté à l’égalité de traitement entre les éditeurs et au principe d’impartialité de la distribution telle qu’ils sont garantis par la loi.

De la capillarité du réseau

Le constat de départ du projet « supérettes » est la raréfaction des points de vente dans le centre-ville des grandes métropoles, et tout part de là pour considérer que les fameuses supérettes, qui essaiment avec leurs concepts alimentaires attractifs dans tous les centre-ville — soyons clairs, on ne parle pas de l’arabe du coin mais de Carrefour city et autres Monop’ —, pourraient constituer une ressource pour rétablir une prétendue nécessaire « capillarité » du réseau.
Si on résume cette haute pensée, le terme de capillarité, utilisé improprement, désigne plutôt l’irrigation des cœurs de villes en points d’accès à la presse. Et en clair, la théorie qui préside à cette volonté est : plus il y aura de points de vente plus on vendra !

Ce credo d’un autre âge semble particulièrement déplacé dans le cadre de la presse, qui est désormais une économie baissière, en particulier pour les titres qui ont mis gratuitement leurs contenus sur le web ou pour ceux qui vivent d’autres ressources (publicité, abonnement, commercialisation de base de données, organisation d’événements…).

Il est important également de rappeler les raisons de la désertification des centre-villes de grandes métropoles en magasins et linéaires de presse : après avoir numérisé les contenus pour les diffuser sur internet, réduit les investissements sur la production et la qualité des magazines, laissé la presse gratuite en distribution libre à la sortie des métros et des gares, oublié trop longtemps de s’intéresser à la rémunération des diffuseurs, il est aisé pour le SEPM de constater que « le réseau traditionnel est particulièrement touché », que « des zones entières sont peu ou pas desservies » et que « nos clients perdent l’habitude du contact avec la presse » (!).

Si les marchands de journaux disparaissent des centres-ville, c’est parce qu’il n’est plus possible de justifier économiquement un métier difficile et le coût devenu trop élevé d’un pas de porte par les recettes insuffisantes, et en baisse, du mètre linéaire de presse.

« Les travaux du CSMP ont également montré les perspectives de développement qu’offraient les supérettes dans ces territoires » (…) « Les éditeurs considèrent qu’il faut impérativement inscrire la presse dans cette dynamique commerciale. »

Ces citations de l’exposé du CSMP rejoint l’affirmation du document de synthèse du SEPM tel qu’il a été soumis au CSMP, où dès la page 5 du Powerpoint, la solution magique s’impose sous le titre l’offre destinée aux supérettes en centre-ville.

L’affaire est donc entendue et le CSMP n’a plus qu’à régler les conditions d’assortiment des titres de presse servis aux supérettes et leurs conditions de rémunération !

Du préalable à la décision du CSMP

Sans analyse contradictoire, sans consultation d’éditeurs indépendants non représentés dans les syndicats membres du CSMP, le CSMP avalise le projet « supérettes », à l’initiative unique du SEPM, et ne considère pas, avant d’en régler les détails de fonctionnement, qu’il constitue un danger bien plus important pour la filière que les avantages qu’il est censé promettre.

1) Le document proposé par le SEPM écarte de toute participation les diffuseurs installés à plus de 300 m de la supérette.
En clair : le marchand de journaux qui a résisté tant bien que mal jusqu’à aujourd’hui à la baisse de fréquentation de son magasin, va mourir sans la moindre compensation pour sa perte de chiffre d’affaires !

2) entre 200 et 300 m de distance, le marchand installé se voit proposer une éventuelle participation à la gestion du point de vente pour une rémunération de 8 % du CA presse de la supérette !
En clair : le marchand de journaux va perdre 13 points de rémunération sur tous les exemplaires que la supérette aura vendus à sa place, tout en travaillant plus, et il va mourir mais plus fatigué et plus pauvre !

Constat SAEP : Le projet « supérettes » acte une concurrence de fait pour tous les points de vente existants en centre-ville, et une baisse de la rémunération des diffuseurs appelés à y contribuer s’il se trouvent à proximité immédiate.
En avalisant ce projet, le CSMP prend la responsabilité d’amplifier les difficultés des diffuseurs de presse dans les grandes métropoles, sans apporter la preuve d’une réalité quelconque d’augmentation globale du chiffre d’affaires de la presse sur ces secteurs.
Il définit également un préalable qui n’aurait aucune peine â être étendu à des supérettes de villes moyennes voire petites, condamnant irrémédiablement les diffuseurs multi-spécialistes, et qui préfigure sans le dire un développement de même type dans les grandes surfaces de la distribution alimentaire, en lieu et place des rayons intégrés existants.

De la discrimination entre éditeurs

Le document de synthèse du SEPM propose une sélection en fonction du nombre de linéaires installés dans la supérette, soit un assortiment de 100, 200 ou 300 titres de presse magazine autour d’un principe de liste par catégorie de presse, révisée 2 fois par an, des titres les plus vendeurs sur un palmarès régional.

Constat SAEP : le terme d’assortiment est faux, il s’agit d’un référencement de titres décidé par un comité de 5 personnes parmi un panel de titres les plus vendeurs. Cette sélection usurpe le principe de l’assortiment, qui ressort du choix limité des titres qu’il vend par le diffuseur, au profit d’un référencement sélectif par un groupe d’éditeurs.

Dans le cadre de la loi Bichet, tout éditeur de presse à le droit de proposer ses titres dans tout point de diffusion appartenant au réseau, y compris dans ce type de rayon intégré. Toute disposition contraire est illégale, et le CSMP doit être sévèrement rappelé à l’ordre voire sanctionné pour n’avoir pas rejeté ce principe-même de sélection de titres comme une disposition contraire à la loi et aux intérêts de la filière.

En l’état le SEPM propose de créer un rayon intégré réservé aux publications de ses adhérents (puisqu’il représentera la quasi totalité des 300 titres les plus vendus). Cette disposition est discriminatoire envers les éditeurs non représentables dans ce panel de sélection. Elle est en l’espèce totalement illégale.

Conclusion

Une nouvelle fois, le CSMP, sans préalable ni discussion contradictoire avec l’ensemble des éditeurs et membres de la filière de distribution de la presse, tente d’imposer la vision cynique de quelques-uns de ses membres les plus influents, non représentatifs de la diversité des éditeurs et des diffuseurs de presse.

Nous exigeons du CSMP qu’il mette immédiatement un terme à ce projet et que son rejet officiel intervienne avant l’Assemblée Générale du CSMP du 21 décembre prochain.

Pour le bureau du SAEP,
Philippe Loison, Président par interim

2 commentaires

  1. Gérard Cohen

    Je suis bien sûr d’accord pour dire que la création de linéaires presse dans les grandes surfaces alimentaires, quelle que soit la taille du magasin, n’est envisageable que dans la mesure où l’offre de titres est complète
    et l’accès au linéaire est ouvert librement à tout nouveau titre (en respect de la Loi Bichet).

    Au delà de cela, le développement d’une offre nouvelle en supérette, dans une zone de chalandise d’un diffuseur de presse actif, aura pour conséquence immédiate de modifier la valeur
    du fonds de commerce. Un syndicat d’éditeurs comme le SEPM ou un organisme comme le CSPM ne peuvent prendre une telle initiative sans provoquer un grave malaise dans une profession déjà en grande difficulté.

    Dans les circonstances de crise actuelle, toute extension de l’offre de points de vente devient contre-productive dès lors qu’elle coupe les vivres de certains diffuseurs actifs dans leur zone de chalandise.
    A fortiori si les nouveaux diffuseurs autorisés ne sont plus tenus de respecter la loi Bichet avec un panel de titres réduit aux plus gros éditeurs.

    Enfin, les pouvoirs publics de la Ville de Paris semblent désormais admettre qu’il faut soutenir les diffuseurs de centre-ville qui souhaitent céder leurs fonds et maintenir une activité presse.

    Si un fonds de financement public semble être envisagé pour aider au maintien des fonds de commerce presse viables, ce n’est pas le moment d’amoindrir la valeur de ces mêmes fonds en leur créant une nouvelle concurrence en centre-ville.

    Les bons équilibres sont toujours durs à trouver.

  2. Todde

    Comment peut on volontairement prendre de telles orientations , dans un contexte économique aussi difficile que celui de la presse papier et considérer démocratique de faire crever des petits indépendants au profit d’enrichir encore les plus riches de la grande distribution , alors que les centres villes se meurent de leurs petits commerces ? Les kiosquiers déjà aujourd’hui ne vivent plus de leur metier même avec l’augmentation dérisoire de leur commission, leur imposer un nouveau partage des ventes , c’est considérer l’inutilité des points de vente des spécialistes et profiter d’une main d’œuvre très rentable ! Les aides au marchands sont de 8500,00e maximum pour l’année , ce n’est donc pas un tarif horaire équivalent à un SMIC ? C’est juste de l’exploitation , tous les marchands ne peuvent pas développer des produits hors presse , les quartiers n’étant pas tous touristiques , de plus la mairie de Paris ne voit pas se développement économique comme nécessaire à la survie des kiosques , elle pense qu’avec les aides les marchands et leurs familles peuvent et doivent en vivre ? 4,50 de l’heure , c’est mieux que 3 , mais si l’on baisse encore nos chiffres d’affaire parce que nous aurons une nouvelle concurrence déloyale devant nos portes , nos rémunérations ne sont pas prêtes d’augmenter , nous sommes déjà des travailleurs pauvres , quel avenir prétend le CSMP pour un maillage qui n’aura que l’effet inverse de ce que l’on attend des réformes . La presse ne s’achète pas en supermarché, elle se consulte sur place , mais qu’importe les éditeurs veulent des vitrines publicitaires , ils n’ont pas besoin de la vente , ils serait de bon ton que l’hypocrisie s’arrête ? Le jour où ils décideront que la vente au numéro est nécessaire , alors nous redeviendrons utiles à ce metier , mais ce n’est pas pour demain . Ce ne sont pas les marchands qui tues la presse papier mais les éditeurs eux mêmes qui ont faient d’autres choix , ceux des aident de l’Etat et la publicité des annonceurs sans jamais redistribuer ces richesses qui auraient permis une meilleure rémunération du réseau et donc aussi une meilleure qualification des marchands . Je ne comprend donc pas pourquoi aujourd’hui, les éditeurs se plaignent ? Les messageries se plaignent ? Tout le monde se plaint mais ils continent des orientations en défaveur du réseau , c’est pathétique ! Mais que veulent ils ?
    Un kiosquier qui en a ras le bol de vous lire et de vous entendre !

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